Présentez votre argumentaire : Maintenir son élan en période d’incertitude – Bulletin 6
Alors que nous réalisons l’ampleur de la réponse internationale à la pandémie de la COVID-19, nous constatons qu’il existe une réelle incertitude, voire une peur palpable, quant aux conséquences de cette situation et aux mesures que nous devons prendre en tant qu’organismes et professionnels en réponse à celle-ci. Afin de vous aider à répondre à vos questions, KCI prépare une série de bulletins vous offrant des conseils opportuns sur comment réagir et où mettre l’accent pour mieux maintenir le cap dans cette situation en constante évolution, et ce, tout en maintenant l’élan de vos programmes et de vos activités de collecte de fonds.
PRÉSENTEZ VOTRE ARGUMENTAIRE
Notre dernier bulletin examinait comment aborder la planification pour répondre à la situation immédiate et comment commencer à planifier l’avenir. Nous y soulignions qu’un des éléments importants de la planification est de voir si votre argumentaire a besoin d’être révisé ou peaufiné dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, et si oui, comment vous y prendre. Le présent bulletin approfondit cette question et propose des approches pour y arriver.
D’abord, il est important de reconnaître que la série d’actions à prendre et de questions à vous poser est la même que si vous aviez à développer un argumentaire de toutes pièces. La principale différence, toutefois, est l’urgence et la souplesse qu’exige le présent exercice.
D’autre part, quand vous examinez votre argumentaire dans le contexte de la COVID-19, il y a quatre secteurs particuliers où l’impact et les répercussions de la pandémie se font probablement le plus sentir : la santé, l’économie, la société et la culture. La plupart des organismes se situent quelque part dans un de ces secteurs; certains sont au front et doivent réagir directement (p.ex. soins de santé, services à la personne), alors que d’autres répondent de façon indirecte à l’impact (p.ex. recherche, éducation, arts, culture). Tant à court terme qu’à long terme, vous vous devrez de répondre de façon pertinente, pratique, astucieuse, stratégique, novatrice, salvatrice, stimulante, etc.) aux besoins de la population que vous desservez.
Pourquoi vous? Pourquoi maintenant?
Pour déterminer dans quelle mesure vous devez peaufiner votre argumentaire actuel, vous aurez à répondre à deux questions fondamentales. Vos réponses à ces questions, qui seront différentes pour chaque organisme, vous aideront à déterminer à quel point vous devez modifiez votre argumentaire et comment communiquer avec vos donateurs au cours des prochains mois.
1. Quel est l’impact de la pandémie de la COVID-19 pour votre organisme? Pour vos parties prenantes?
Prenez le temps d’examiner l’impact précis de la pandémie sur vos parties prenantes, et tout particulièrement sur des groupes comme les patients, les employés, les clients, les universitaires, les étudiants, les artistes, les musiciens, etc. … et ainsi de suite, selon votre scénario particulier.
Réfléchissez à la trajectoire des impacts, du début jusqu’à la fin, et identifiez les menaces ou les défis auxquels vous êtes confrontés. Si vous le pouvez, détaillez de façon précise ces impacts (p.ex. nous constatons une augmentation de 50 % des demandes d’aide financière, nos musiciens ont subi une baisse de salaire de 40 %). Soyez conscients que ces besoins évolueront et que vous devrez, par conséquent, être prêt à ajuster et à modifier votre argumentaire le cas échéant.
Prenez le temps d’examiner l’impact précis de la pandémie sur vos parties prenantes, et tout particulièrement sur des groupes comme les patients, les employés, les clients, les universitaires, les étudiants, les artistes, les musiciens, etc. …
2. Comment avez-vous l’intention d’y répondre?
C’est une vérité de la Palisse que de dire que les donateurs financent des organismes qui répondent à des besoins, et non pas ceux qui ont des besoins. Ainsi, une fois que vous aurez identifié les défis auxquels votre communauté est confrontée, vous serez en mesure d’élaborer vos solutions et réponses.
Déterminez et expliquez comment vous pouvez soutenir votre communauté durant cette période. En vous basant sur les forces de votre organisme, déterminez ce que vous pouvez faire pour avoir le plus d’impact pour ceux qui sont touchés. Cela ne veut pas nécessairement dire que vous devez créer de nouveaux programmes. Peut-être devez-vous plutôt prolonger un programme ou un service existant ou en étendre la portée.
Dans cette partie de l’exercice, il importe aussi de réfléchir aux résultats que vous cherchez à obtenir et de bien articuler ce que vous voulez accomplir. Comme c’est le cas avec chaque argumentaire, le « pourquoi » (votre impact) est tout aussi sinon plus important que le « quoi » (vos activités planifiées). Par exemple, il pourrait s’agir de protéger la santé de ceux qui sont au front, de nourrir les gens, d’assurer que les étudiants puissent poursuivre leurs études, d’alléger le fardeau de l’isolement physique et social grâce à la musique, d’un appel amical, etc.
Plusieurs organismes aux premières lignes ont créé des fonds et initié des sollicitations spécifiques pour la COVID-19. Voici quelques exemples provenant du secteur hospitalier et de celui des services sociaux : le fonds d’urgence de la Fondation du CHUM, le fonds Covid-19 pour appuyer les experts de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec lancé par la Fondation IUCPQ, le plan de réponse de Centraide du Grand Montréal et le S.O.S. de l’Accueil Bonneau.
La pandémie de la COVID-19 n’est une occasion spéciale et unique de collecte de fonds que si vous avez un argumentaire authentique qui le justifie.
Chez ceux qui composent avec des retombées plus indirectes, plusieurs choisissent de réorienter les priorités de financement actuelles pour répondre dans l’immédiat aux besoins de leurs communautés, et ce, dans le cadre de leur argumentaire existant. Par exemple, des organismes qui desservent des individus pour qui la COVID-19 pose un risque accru, tels Cœur et AVC, fournissent des informations à ces parties prenantes et sollicitent des fonds pour la recherche. Et de nombreux établissements d’enseignement, y compris l’Université McGill, réorientent leur argumentaire pour solliciter des dons et répondre à la nécessité bien réelle d’amasser des fonds pour l’aide financière aux étudiants.
La COVID-19 n’a pas d’impact spécifique sur votre argumentaire? Néanmoins…
Bien qu’il soit essentiel d’aborder cet exercice et d’examiner votre argumentaire pour assurer que vous répondiez adéquatement, vous ne devez d’aucune façon donner l’impression que vous êtes opportunistes et intéressés durant cette période critique. La pandémie de la COVID-19 n’est une occasion spéciale et unique de collecte de fonds que si vous avez un argumentaire authentique qui le justifie.
C’est pourquoi de nombreux organismes choisissent de s’engager auprès de leurs donateurs d’une façon qui leur permette d’entretenir des relations à long terme tout en démontrant leur pertinence de diverses manières durant cette période exceptionnelle. Deux exemples : Right to Play, qui tient ses donateurs informés de l’impact de la pandémie sur son travail et de comment elle y répond, et le Musée des beaux-arts de Montréal et leurs propositions culturelles.
En conclusion
- Défendre votre argumentaire : qui et comment – Pour rendre bien vivant votre argumentaire, pensez aux histoires que vous pourriez raconter pour l’illustrer. Et pensez aussi à qui serait le mieux placé pour l’articuler. Il s’agira sans doute de divers individus, y compris des gens de l’équipe de direction, des gens aux premières lignes ainsi que des bénéficiaires, tels des travailleurs de la santé qui pourraient avoir besoin d’un soutien en santé mentale, des employés de refuges, des étudiants ayant besoin d’un soutien financier, etc.
- Un argumentaire pour vos opérations de base – Bien qu’un argumentaire qui décrive la façon dont vous offrez un soutien direct à la collectivité soit sans contredit plus vendable, on peut aussi défendre la nécessité d’un soutien de base aux opérations, étant donné l’impact à court terme sur certains organismes de la baisse des revenus de la collecte de fonds. Faites-vous face à un déficit d’exploitation? Devez-vous mettre sur pied un fonds d’urgence? Il est possible de développer un argumentaire pour ce type de besoin, mais la sollicitation devrait alors se limiter aux gens qui ont des liens très étroits avec vous. On note aussi que de nombreuses fondations, telles ce consortium de fondations, ont réorganisé leurs procédures et leurs normes de subventions pour aider les organismes caritatifs à s’adapter aux nouvelles réalités imposées par la COVID-19.
- À plus long terme – Bien qu’un examen immédiat de vos priorités de collecte de fonds et de votre argumentaire soit d’une importance primordiale afin d’assurer qu’il soit bien défini et articulé aux réalités de cette période unique, il ne s’agit pas d’un exercice isolé. Dans le contexte de ce qui sera la « nouvelle normalité » pour les 12 à 18 mois à venir, les organismes se doivent d’examiner et de réexaminer leur rôle et leur modèle opérationnel alors que les besoins de la collectivité changent et évoluent. Ces discussions sur la stratégie organisationnelle devraient mener à la prochaine ronde d’identification des priorités et de développement de l’argumentaire.
Et n’oubliez pas les rappels généraux suivants…
- Se préparer et répondre…mais ne pas paniquer. Faites ce que vous pouvez. Beaucoup d’éléments échapperont à votre contrôle et il est donc important de cibler votre réflexion, vos efforts et votre énergie là où vous avez de l’influence.
- Il n’y a pas qu’une seule stratégie. Quoi qu’il soit bon de se laisser guider par des lignes directrices et des pratiques exemplaires, les meilleures stratégies seront celles qui seront adaptées à chaque institution et à ses clientèles.
- Ce n’est pas la première fois que nous nous retrouvons dans une situation semblable. Mettez à profit les leçons que vous avez tirées de situations d’urgences et de désastres antérieurs. Nous avons déjà surmonté des périodes de crises et nous le ferons encore cette fois-ci.
- Ne fermez pas boutique. Gardez le cap tout en ajustant avec prudence votre stratégie et votre budget. Nous savons par expérience que ceux qui agissent ainsi s’en tire plus solidement.
- Communiquez. Tout en vous assurant de ne pas submerger vos parties prenantes de communications superflues, il faut aussi éviter le silence radio. Gardez vos parties prenantes, tant internes qu’externes, engagées et informées.
Nous nous tenons prêts à vous appuyer au cours des semaines et mois à venir, et notre prochain bulletin traitera de l’impact de la pandémie de la COVID-19 sur les campagnes majeures de financement.