Les dons majeurs au Canada durant la pandémie de la COVID-19 – les premiers six mois
L’équipe de recherche et d’analyse de KCI, avec l’apport de nos clients et de nos conseillers à travers le pays, fait un suivi des dons majeurs au Canada depuis les trente dernières années. Nous affichons les dons les plus importants sur notre site web dans le but de partager avec d’autres intervenants de notre secteur la nouvelle de ces contributions généreuses et de faire état de la philanthropie au Canada.
Ces mises à jour sont typiquement affichées chaque mois. Mais quand la pandémie de la COVID-19 a été déclarée, nous avons rapidement constaté qu’on annonçait, et ce, à un niveau sans précédent, des dons affectés aux efforts de lutte contre la pandémie. Aussi, vous étiez nombreux à nous indiquer votre intérêt à être informés des dernières nouvelles en matière de dons. Ainsi, en avril et mai, nous avons affiché une liste de dons sur une base hebdomadaire, tout en constatant que le nombre de dons pour plusieurs de ces semaines s’approchait du total qu’on voyait typiquement pour un mois.
C’était à la fois gratifiant et inspirant de voir comment les Canadiens, collectivement, se sont ralliés durant cette période pour aider d’autres dans leur collectivité, partout au pays et à travers le monde.
À mesure que l’été avançait, cependant, et que nous nous adaptions à la « nouvelle normalité », le rythme s’est ralenti quelque peu et nous sommes revenus à notre calendrier mensuel. Avec l’arrivée de l’automne, nous voulions faire un retour sur les six mois qui se sont écoulés depuis que l’Organisation mondiale de la Santé a officiellement déclaré une pandémie le 11 mars 2020.
Données et méthodologie
Chaque mois, tout en rassemblant les informations que lui transmettent notre équipe de conseillers et les organismes directement pour que nous en fassions la promotion, l’équipe de recherche et d’analytique de KCI est proactive dans sa recherche d’annonces publiques de dons majeurs. Nous affichons tous les dons de 100 000 $ et plus, mais pour les fins de la présente analyse, nous nous sommes limités à ceux de 500 000 $ et plus.
L’analyse comprend tous les dons affichés de mars à août 2020 inclusivement. Bien que la pandémie n’ait été déclarée que le 11 mars, le début du mois de mars est, traditionnellement, une période relativement calme en matière d’annonces de dons et utiliser une période définie de six mois a rendu possible une comparaison par rapport aux années précédentes.
Veuillez noter que cette période n’inclut pas le don de 250 M$ de James et Louise Temerty à l’École de médecine de l’Université de Toronto annoncé le 24 septembre 2020, au moment où nous mettions la dernière main à cet article. Nous en avons toutefois tenu compte dans les commentaires.
Nous plaçons habituellement les donateurs majeurs dans trois groupes principaux, approche que nous avons maintenue dans le cadre de cette analyse :
- Dons individuels : Les dons crédités à des personnes données, des couples, des familles ou d’autres groupes d’individus. Ces individus peuvent avoir une fondation familiale par l’entremise de laquelle ils donnent, mais si l’annonce du don attribue celui-ci à un individu particulier nous le considérons comme un don individuel.
- Dons d’entreprises : Les dons attribués aux entreprises de toutes tailles.
- Dons de fondations : Les dons attribués principalement aux fondations de n’importe quel type, y compris les fondations familiales lorsque celles-ci sont spécifiquement créditées dans l’annonce publique ou sur la liste des donateurs, plutôt qu’un individu particulier.
QUI A DONNÉ
Au cours des six mois de mars à août 2020, nous avons trouvé :
- 176 dons annoncés de 500 000 $ et plus (comparativement à 110 au cours de la même période en 2019), pour une valeur totale de 426,8 M$. (À noter que cela n’inclut pas le don de 250 M$ de James et Louise Temerty à l’Université de Toronto annoncé le 24 septembre 2020 – on en discute plus loin dans le texte.)
- En nombre, 46 % des dons de 500 000 $ et plus ont été des dons d’entreprises et 33 % des dons de fondations (comparativement à 28 % et 19 % respectivement en 2018 et 2019 pour des dons au même niveau).
Toutefois, si on regarde la valeur des dons, les fondations se sont vraiment démarquées. Ces dernières ont donné 246,6 M$, soit 58 % du total recueilli de 426,8 M$. La contribution moyenne des fondations pour cette période était de 4,25 M$, comparativement à 1,3 M$ pour les entreprises et 2 M$ pour les individus. Durant ces mêmes six mois en 2019, les fondations avaient contribué un montant beaucoup plus petit, soit un total de 87 M$.
Mais, côté moins positif peut-être, alors que les fondations et les entreprises ont agi rapidement pour offrir leur soutien aux organismes de bienfaisance et aux gens qu’ils desservent, force est de constater qu’il y a eu beaucoup moins d’annonces de dons majeurs provenant d’individus. Les dons d’individus représentent habituellement la majorité des dons majeurs que nous suivons, comme le démontrent les chiffres combinés de 2018 et 2019. Pour cette période initiale de la pandémie, toutefois, les dons majeurs provenant d’individus ont compté pour 71,8 M$ du total de 426,8 MS en dons. Si on compare à la même période en 2019, les annonces de dons provenant d’individus seulement totalisaient plus de 425 M$ – soit l’équivalent du total provenant de tous les types de donateurs pour les mêmes six mois en 2020. Comme mentionné ci-haut, la période de six mois que nous avons analysée ne comprend pas le don historique de 250 M$ du couple Temerty en septembre. Mais, même si ce don avait été annoncé en mars ou avril, par exemple, le total des dons provenant d’individus serait de quelque 322 M$, soit près de 100 M$ de moins que pour la même période en 2019.
Plutôt que d’être une source d’inquiétude, cependant, nous croyons que cela pourrait présenter des possibilités de croissance pour l’avenir. Pour les individus, nul doute que prudence et incertitude ont été des thèmes clés durant cette période, surtout quand on tient compte de la tourmente économique que nous avons connue, en particulier au niveau du marché boursier. Les dons majeurs de ce niveau proviennent typiquement des actifs et des investissements d’un individu. Plus récemment nous avons pu constater que le marché boursier s’est stabilisé et a même connu une certaine croissance. En supposant que cette tendance se maintienne, les Canadiens mieux nantis pourraient être dans une position financièrement assez stable pour leur permettre de faire avancer leurs intérêts philanthropiques à l’avenir. Par contre, on s’attend à ce que plusieurs entreprises prennent un certain recul alors que nous approchons 2021, selon leur secteur et leur situation économique particulière.
Et bravo si vous avez constaté que les statistiques susmentionnées démontrent que le nombre de dons durant ces six mois de pandémie est plus élevé que pour la même période en 2019, mais que la valeur totale des dons est plus faible. L’information sur les dons majeurs que nous avons obtenue nous montre que le don moyen de mars à août 2020, tout type de donateur confondu, était de 2,4 M$, comparativement à 5,4 M$ pour la même période en 2019. Un facteur clé toutefois est que pour un nombre beaucoup plus élevé de ces dons l’engagement semble être à plus court terme que ce que nous verrions normalement. La réponse aux situations d’urgence n’a pas tendance à se prêter à des engagements sur plusieurs années – l’argent est requis dans l’immédiat et, par conséquent, les donateurs mettent l’accent sur le montant qu’ils sont en mesure de contribuer immédiatement.
QUI A REÇU LES DONS?
Les dons reçus au cours des six premiers mois de la pandémie ont été principalement dirigés vers des causes communautaires (43 %) ou des organismes de bienfaisance en santé (34 %). Habituellement, ces organismes en santé reçoivent environ le tiers des dons de 500 000 $ et plus que nous suivons, comme le démontre le graphique qui suit. La différence essentielle dans ce cas-ci est qu’un nombre beaucoup plus élevé de dons sont allés à des organismes de service communautaire par rapport à ce que nous voyons normalement, alors que d’autres secteurs, en particulier ceux de l’éducation et des arts et de la culture, ont été quelque peu relégués à l’arrière-plan durant cette période.
Parmi les dons significatifs de cet important effort de solidarité pour les organismes canadiens de bienfaisance qui ont mis l’accent sur le service communautaire, on retrouve :
- La Fondation Sprott a annoncé deux dons de 10 M$, un premier à Second Harvest et un second aux Centres communautaires d’alimentation du Canada, pour répondre aux besoins alimentaires des Canadiens.
- La Fondation Rogers a contribué 60 M$ à divers organismes de service communautaire au Canada, y compris une contribution de 20 M$ à Banques alimentaires du Canada et 10 M$ à l’Armée du Salut au Canada.
- Les Compagnies Loblaws limitée ont offert 5 MS en cartes-cadeaux à Banques alimentaires du Canada et Second Harvest ainsi qu’à d’autres banques alimentaires et organismes communautaires.
- La Société Canadian Tire a fait deux contributions de 1 M$, une à la Croix-Rouge canadienne et une seconde à Centraide Canada, en appui aux efforts pour combattre la COVID-19.
Comme on pouvait s’y attendre, plusieurs des dons aux organismes d’autres secteurs étaient aussi en lien avec la COVID-19, tels les nombreux dons à des établissements d’enseignement en appui aux fonds de secours mis sur pied pour venir en aide aux étudiants durant la pandémie. Aussi, la Fondation Vohra Miller a fait un don de 1 M$ à l’Université de Toronto pour la création d’un nouvel institut sur les pandémies.
QUE NOUS RÉSERVE L’AVENIR?
Notre expérience nous démontre que le dernier tiers de l’année civile est le plus actif pour ce qui est des annonces de dons majeurs et, de façon plus générale, pour les dons aux organismes de bienfaisance. Ces dernières années, typiquement ce sont 40 % des dons qui ont été annoncés durant le quatre derniers mois. Bien que 2020 pourrait continuer à défier les tendances, il est possible que nous voyions de nombreux nouveaux dons majeurs au cours des mois à venir, et ce, en plus de don de 250 M$ du couple Temerty qui a été annoncé comme nous achevions cet article. Il sera intéressant de voir si les donateurs continueront d’accorder leur soutien aux secteurs qui ont dominé la philanthropie jusqu’ici en 2020, ou si leur attention se tournera vers des secteurs qui ont reçu moins de soutien durant la pandémie.
Il sera aussi intéressant de voir si les donateurs individuels continueront de donner de façon différente durant cette période. Si la tendance se maintient, on s’attend à ce que, d’ici la fin de 2020, la valeur totale des contributions restera en-deçà de ce qu’on a vu les années précédentes. Toutefois, il est important de noter que le moment où le don est annoncé ne coïncide pas toujours exactement avec le moment où la décision de donner a été prise, et plus particulièrement en ce qui a trait aux dons les plus importants, lesquels seraient habituellement associés à des célébrations ou à d’autres reconnaissances. Par exemple, le mois de septembre donne place à plusieurs annonces de dons ainsi qu’à des célébrations pour souligner des contributions qui auraient été finalisées au cours des mois précédents.
Il est aussi fort possible que de grands philanthropes aient choisi de donner de façon plus discrète durant cette période, avec peu d’attente en matière de reconnaissance. Parallèlement, des organismes pourraient avoir décidé de tempérer les célébrations ou les annonces durant cette période de pandémie, que ce soit dû aux préoccupations entourant les rassemblements, à une certaine prudence autour de la pertinence de célébrer un don majeur durant une pandémie, ou encore simplement suite à une diminution de leur capacité alors qu’ils peinent à gérer leur quotidien dans un contexte de télétravail.
Quoi qu’il en soit, forts de notre expérience de travail des derniers mois auprès d’organismes de bienfaisance, on peut affirmer avec certitude que, dans la plupart des secteurs, le nombre et la valeur des dons majeurs ont été plus faibles au cours de la pandémie. On a vécu une période d’incertitude et de bouleversements profonds, et il était inévitable que les donateurs soient touchés et que les habitudes et les schémas traditionnels de dons soient perturbés. Mais il est important de se rappeler que durant des périodes antérieures de difficultés économiques ou autres, les donateurs, surtout les individus, ont continué de donner et que les contributions ont rebondi par la suite. Il ne s’agit pas de savoir si cela va arriver, mais quand cela va arriver.
Cependant, ce qui est évident est que l’engagement des Canadiens les uns envers les autres et envers les causes qui leur tiennent à cœur demeure solide. Chez KCI, nous avons été inspirés par la générosité dont nous avons été témoins d’un bout à l’autre du Canada cette année, générosité qui s’est manifestée de tellement de façons, petites et grandes, et nous sommes impatients de continuer à travailler avec des organismes de bienfaisance partout au Canada dans leur quête pour bâtir un pays plus juste, plus résilient et plus sain.
— Celeste Bannon Waterman, Associée chez KCI / Recherche et analytique
En post-scriptum à cette analyse, n’oubliez pas que nous aimons être tenus informés de vos annonces de dons afin que nous puissions les inclure dans nos « Nouvelles – Dons majeurs! ». Pour se faire, envoyez-nous un courriel à sectornews@kciphilanthropy.com. Et pour vous assurer de ne pas manquer nos mises à jour mensuelles sur les dons majeurs, suivez-nous sur LinkedIn ou abonnez-vous à nos bulletins de nouvelles et aperçus à https://www.kciphilanthropy.com/fr/savoir-faire/.
Celeste Bannon Waterman, Associée chez KCI / Recherche et analytique