Les gens de la collecte de fonds – partie 1
Combien vous faut-il de professionnels en collecte de fonds pour réaliser vos objectifs de financement? Comment les organismes caritatifs structurent-ils leurs ressources humaines dans ce marché en transformation et de plus en plus concurrentiel? Quel est le rôle des employés, et comment ce rôle évolue-t-il? Combien de temps restent-ils en poste?
Voilà des questions très importantes auxquelles, depuis longtemps, nous n’avons que peu ou pas de réponses.
Cherchant à combler cet écart, l’équipe de recherche et d’analytique de KCI a réalisé au fil des ans des analyses comparatives et des examens ciblés de la rémunération. Lorsqu’on combine les résultats de ces analyses aux connaissances et aux enseignements tirés de notre travail en recherche de cadres, nous sommes à même d’identifier des tendances et des pratiques clés en ce qui a trait au personnel rémunéré de la collecte de fonds et à son affectation.
Dans cet article, le premier de deux, nous vous présentons certaines tendances générales et des repères qui s’avèrent utiles dans la planification et l’élaboration de stratégies d’utilisation du personnel. Un second article, qui paraîtra sous peu, traitera des stratégies et des méthodes utilisées par les organismes caritatifs pour reconnaître, récompenser et motiver les employés, et comment ces pratiques contribuent à la rétention.
Les sources précises de données sur lesquelles ces conclusions sont basées se trouvent sous l’onglet Ces connaissances et idées nous viennent d’où? Nous voulons remercier sincèrement tous les organismes qui ont participé aux divers projets de recherche et dont les données nous ont permis, en partie, de valider nos conclusions. Ces analyses se sont avérées inestimables pour nous dans nos efforts visant à approfondir nos connaissances et notre compréhension du secteur et de notre profession. Et aux organismes participants, les conclusions des analyses permettent une meilleure compréhension de leur situation particulière et donnent des outils additionnels pour soutenir leur propre réussite.
Ces connaissances et idées nous viennent d’où?
Bien que les conclusions partagées dans cet article soient tirées de diverses sources, elles ont été validées en grande partie par notre Analyse comparative de la rémunération pour les fondations d’hôpitaux 2019. Réalisée à tous les trois ans, cette analyse réunit les fondations de soins de santé et d’hôpitaux du Canada pour mieux comprendre les pratiques et les niveaux de rémunération et pour établir des indicateurs et des échelles salariales spécifiques au secteur. Les connaissances tirées de cet examen donne un aperçu des pratiques exemplaires en matière de rémunération et d’affectation du personnel, et quand on les compare dans le temps elles offrent des indices précieux sur la nature changeante de notre secteur.
En 2019, 37 fondations ont participé à l’étude, représentant un large éventail au niveau de l’importance, du type et de la géographie. Les fondations participantes ont fourni des données sur les éléments suivants :
- L’institution qu’elle soutient, et le soutien réciproque que celle-ci offre à la fondation
- L’objectif et l’état de la situation de sa campagne
- Les revenus de la fondation et le nombre de donateurs
- Des détails sur tous les postes à la fondation, y compris la répartition des responsabilités, la supervision, depuis quand le titulaire est en poste, les responsabilités de gestion et autres
- La rémunération pour chacun des postes, y compris le salaire de base et toute rémunération au rendement applicable ainsi que les avantages sociaux et indirects
Comme c’est le cas avec toutes nos études, les organismes nous ont fourni les données de façon confidentielle, et KCI a analysé et catégorisé l’information pour produire un étalonnage détaillé. Notamment, nous avons codé et classifié les fondations et les postes dans le but de permettre des comparaisons équitables et appropriées tout en assurant la confidentialité des conclusions présentées. Chaque fondation a reçu un rapport de quelque 100 pages avec un récapitulatif des résultats et des observations ainsi qu’une évaluation comparative détaillée qui montre où se situe la fondation et son régime de rémunération par rapport à ses pairs, tout en préservant la confidentialité des participants.
Nos conclusions ont par ailleurs été validées par des observations provenant de nombreuses autres sources, lesquelles ont toutes été prises en compte dans les conclusions et le savoir-faire que nous partageons dans cette série :
- Le service de recrutement des cadres et de gestion du talent de KCI, qui a travaillé avec plus de 500 organismes au cours de la dernière décennie
- Des examens personnalisés de la rémunération réalisés pour plus de 40 postes de haut niveau en collecte de fonds et de haute direction en 2018 et 2019
- Une analyse de KCI en 2018 sur les principaux indicateurs et les mesures d’activités
- Les analyses comparatives du secteur de l’enseignement supérieur au Canada réalisées par KCI
- Notre travail auprès de clients d’un bout à l’autre du Canada, notamment sur les études de campagne, les plans de financement et les évaluations de capacité
Grandes tendances et pratiques
La façon dont les organismes caritatifs organisent, déploient et recrutent leurs employés évolue. Ce qui suit est un résumé des principaux changements que nous observons.
UN: LES SECTEURS FONCTIONNELS TRADITIONNELS ÉVOLUENT ET LES DISTINCTIONS S’ESTOMPENT
La délimitation entre les rôles de professionnels en collecte de fonds, en marketing et en analyse n’est plus aussi nette qu’elle ne l’a déjà été. La percée du numérique en collecte de fonds et les besoins plus pointus en matière de marketing, de communications et d’expertise technique qui y sont associés ont amené un chevauchement de plus en plus grand entre le marketing et les communications, les relations avec la collectivité, les événements, les dons annuels, la sollicitation directe et les technologies de l’information. Les programmes d’engagement de la communauté et de philanthropie de masse exigent eux aussi de nouvelles compétences et un certain degré de familiarité avec une vaste gamme de plateformes en ligne (actuelles et futures). Les organismes à succès renforcent cet ensemble de compétences en solidifiant leurs capacités et leur niveau de confort en statistique et analytique. De pair avec cette tendance, le nombre de postes en technologie de l’information dans le secteur de la collecte de fonds a connu une forte croissance, avec comme résultat que les individus conjuguant savoir-faire technique et connaissance des pratiques de collecte de fonds sont de plus en plus en demande.
L’intégration des domaines de la collecte de fonds fondés sur les relations, notamment les dons majeurs et planifiés, est de plus en plus commune. Plusieurs organismes s’assurent que leurs solliciteurs qui travaillent directement avec les donateurs existants et potentiels soient familiers avec tous les types de dons. Et plus que jamais auparavant, ils discutent aussi avec les donateurs de dons mixtes qui incluent des engagements actuels et futurs.
Enfin, les dons intermédiaires continuent de chevaucher à la fois la philanthropie de masse et les dons majeurs, tout en devenant un domaine de spécialisation accrue pour les professionnels.
DEUX: L’ÉMERGENCE DE SPÉCIALISTES DE LA STRATÉGIE POUR AIDER LES ORGANISMES À S’ORIENTER
On note une forte croissance de postes de haut niveau dont l’accent est sur la stratégie organisationnelle et qui travaillent étroitement avec le leadership de l’organisme. Souvent un poste unique ou une très petite équipe, ces rôles sont typiquement indépendants des unités fonctionnelles et sont chargés de faire avancer des initiatives clés qui pourraient impliquer l’organisme dans son ensemble.
Ces postes ont tendance à se rapporter directement au plus haut dirigeant de la collecte de fonds de l’organisme, ou à travailler étroitement avec ce dernier. Dans les plus petits organismes de collecte de fonds, ces individus sont parfois d’anciens leaders d’expérience, maintenant en semi-retraite, qui jouent un rôle de conseiller à l’interne. Dans les organismes plus importants, il s’agit souvent de gens ayant des compétences élevées en techniques et en collecte de fonds dont le mandat est d’identifier les possibilités, d’aider avec le développement d’un argumentaire et d’une stratégie de haut niveau et de mener des projets transformationnels.
TOIS: LE ROULEMENT DU PERSONNEL DEMEURE UN FACTEUR, MAIS PAS DANS TOUTES LES FONCTIONS
Le roulement dans les postes clés de la collecte de fonds est depuis longtemps un enjeu significatif pour les organismes caritatifs. Notre analyse comparative des fondations d’hôpitaux a examiné pour une première fois le roulement et l’ancienneté des titulaires de postes, révélant des conclusions intéressantes.
De façon générale, les employés étaient dans leur poste actuel depuis en moyenne 3,1 ans, et avec leur organisme (tous postes confondus) depuis 5,2 ans. Cependant, les postes de niveau plus élevé avaient un taux de roulement nettement plus faible. Les PDG avaient une moyenne en poste de 6,5 ans, tandis que les vice-présidents avaient une moyenne de 3,5 ans dans leur rôle actuel et de 6,5 ans avec l’organisme. Les gens aux finances, aux opérations et en administration ont aussi tendance à demeurer en poste plus longtemps.
Les postes de première ligne, en particulier chez les coordonnateurs et les agents de développement ainsi qu’en marketing et communications, présentaient un taux de roulement beaucoup plus élevé. Les agents et les coordonnateurs dans ces deux fonctions avaient une moyenne de 1,8 an en poste et de 3 ans avec leur fondation respective. Enfin, les gestionnaires en développement et en marketing et communications avaient une moyenne de 2,1 ans en poste et de 5,3 ans avec l’organisme.
QUATRE: BÂTIR SON PERSONNEL À L’INTERNE – DE PLUS EN PLUS COMMUN
Compte tenu du problème persistant d’attirer les meilleurs talents et du taux de roulement susmentionné, les organismes mettent du plus en plus l’accent sur le développement et l’avancement de leurs employés actuels… et y investissent plus de ressources. Ces investissements incluent le développement professionnel, des budgets de formation, des régimes de travail plus souples pour aider les employés à gérer leurs engagements personnels et professionnels ainsi qu’une volonté accrue de suivre et de conseiller les employés pour qu’ils puissent accéder au prochain niveau.
De pair avec cet accent accru sur le capital humain, on constate un investissement plus grand dans le personnel de gestion des ressources humaines. Notre analyse comparative des fondations d’hôpitaux nous a démontré que les plus grandes fondations, en particulier, semblent vouloir accroître et renforcer leur fonction interne de gestion des ressources humaines afin de soutenir l’accent accru qu’elles mettent à attirer, recruter et appuyer les employés.
Indicateurs
Outre ces tendances générales, notre travail a permis d’identifier des indicateurs utiles pour éclairer la prise de décision en matière de dotation et d’affectation du personnel… et qui mettent en lumière quelques ingrédients de la réussite des organismes très performants. Les données pour ces indicateurs nous viennent de l’Analyse comparative de la rémunération pour les fondations d’hôpitaux 2019, mais nous croyons, si on examine les opérations d’avancement dans leur ensemble, qu’elles sont comparables à celles d’autres secteurs, y compris la recherche sur les donateurs potentiels, les finances, le marketing et les autres employés de soutien.
LES REVENUS PAR POSTE ET PAR PROFESSIONNEL EN COLLECTE DE FONDS
Bien saisir ce qui est un niveau approprié de revenus pour les équivalents temps plein (ETP) est très instructif quand on évalue les effectifs nécessaires par rapport aux ambitions et aux objectifs financiers. Combien de professionnels en collecte de fonds avons-nous besoin? Combien d’argent chacun devrait recueillir?
Il est important de noter qu’il s’agit d’indicateurs et non de règles strictes et absolues car de nombreux facteurs ont une influence sur leur applicabilité à des situations particulières. Des informations sur ces facteurs se trouvent sous l’onglet Indicateurs de revenus par ETP : appel à la prudence.
En comparant tous les revenus[1] à l’ensemble des employés (y compris les rôles de soutien), 700 000 $ par équivalent temps plein peut être considéré comme un indicateur approprié. Autrement dit, si un organisme a un objectif de 7 millions de dollars par année, il aura besoin d’un minimum de 10 équivalents temps plein à la fondation ou dans l’unité.
Les fondations dont les revenus sont plus élevés recueillent plus d’argent par employé, les plus importantes dépassant 1 million de dollars par équivalent temps plein.
Si on ne considère que les revenus provenant des dons principaux, des dons majeurs et des dons annuels et qu’on les compare seulement aux employés directement affectés[2] à ce secteur, le revenu par ETP est beaucoup plus élevé, soit de 1,65 million de dollars (médian) à 2,2 millions de dollars (moyen).
À la lumière de ces conclusions, la règle générale pour la plupart des organismes pourrait être de 2 millions de dollars par employé affecté directement à la collecte de fonds. Cependant, il est important de noter que cela présume un programme complet de collecte de fonds (dons majeurs, dons annuels, dons planifiés, événements, etc.) et le personnel nécessaire pour appuyer ce programme. Autrement dit, ça prend une équipe pour mener à bien un projet de collecte de fonds. Cet indicateur de 2 millions de dollars est conforme à ce qu’on a vu dans les versions antérieures de l’analyse, quoi que l’inflation fera sans doute en sorte qu’il augmentera au fil du temps. Il est aussi important de noter que les plus grands organismes, qui souvent reçoivent les dons les plus importants, surpassent cet indicateur type de façon répétée.
Indicateurs de revenus par ETP : appel à la prudence
Ces indicateurs devraient être abordés avec précaution et prudence. Notre expérience chez KCI nous démontre que, dus à de nombreux facteurs, les organismes auront des variations dans la capacité de production de leurs professionnels en collecte de fonds. En voici quelques-uns :
- La maturité du programme de collecte de fonds, en particulier du programme de dons majeurs
- Le potentiel philanthropique de la zone de desserte et du bassin de donateurs potentiels de l’organisme
- Les facteurs économiques locaux et régionaux
- L’inclusion (ou l’absence) de dons majeurs et planifiés d’importance
- La présence ou l’absence d’une équipe de soutien ou ‘habilitante’ pour le projet de collecte de fonds (p. ex. la recherche, les opérations, les communications, la fidélisation, etc.)
Sur une base individuelle, la performance d’un professionnel en collecte de fonds particulier variera aussi, entre autres en fonction de son rôle précis, de la valeur et de la maturité de son portefeuille, de son niveau d’expérience et de la capacité de la communauté.
COMPOSITION DE L’ÉQUIPE
Quand on affirme que ‘ça prend une équipe pour mener à bien un projet de collecte de fonds’, il est intéressant de voir à quoi peut ressembler cette équipe. Le diagramme qui suit illustre la proportion du personnel (incluant la portion des postes qui ont des responsabilités dans plusieurs domaines) selon l’importance de l’organisme.
Les fondations qui ont le plus de revenus par professionnel en collecte de fonds tendent à avoir proportionnellement plus de ressources humaines allouées non seulement à la collecte de fonds, mais aussi à d’autres secteurs tels la gouvernance et l’administration, la fidélisation et les relations avec les donateurs, les technologies de l’information et l’analytique ainsi que la recherche. Ceci reflète les conclusions des versions antérieures de l’analyse et pourrait être relié au besoin grandissant pour des rôles techniques et de soutien d’expérience à mesure que s’accroît l’ampleur et la complexité de l’organisme. Et ça démontre aussi qu’une augmentation des revenus ne passe pas que par l’addition de professionnels en collecte de fonds, mais aussi par le soutien d’une équipe adéquate, de données concrètes éclairées par l’analytique ainsi que par une fidélisation rigoureuse permettant de préserver les relations.
En ce qui a trait au niveau des effectifs, il peut s’avérer utile de réfléchir aux proportions présentées dans le diagramme en termes de ratios relatifs ou de règles approximatives. Par exemple, en moyenne :
- Un chercheur de donateurs potentiels à temps plein peut typiquement appuyer six professionnels en collecte de fonds à temps plein au niveau des dons principaux, majeurs, planifiés et annuel
- Le personnel affecté aux finances et aux opérations tourne autour du 2/3 des ressources attitrées à la collecte de fonds, excluant les événements. Autrement dit, il y a deux employés aux finances et aux opérations pour trois professionnels en collecte de fonds
- Il y a environ un professionnel à temps plein en fidélisation pour 3,5 professionnels en collecte de fonds
Pour compléter cette exploration Les gens de la collecte de fonds, surveillez la parution de notre prochain article qui traitera des stratégies et des méthodes utilisées par les organismes caritatifs pour reconnaître, récompenser et motiver les employés, et comment ces pratiques contribuent à la rétention.
[1] Excluant les revenus de placement, mais incluant les événements, les legs finalisés, etc.
[2]Nous demandons à nos participants à l’analyse de nous indiquer quelle proportion de chaque poste dans leur organisme appartient à des secteurs spécifiques. Par exemple, si un agent affecté aux dons de la communauté alloue 50 % de son temps aux dons annuels et 50 % aux événements, nous incluons 0,5 ETP en dons annuels pour l’organisme. Il est donc important de tenir compte de la proportion totale pour l’ensemble de votre équipe, y compris le temps que votre équipe de direction investit réellement en collecte de fonds.